dimanche, mai 22, 2005

Trois extraits

Je sors la retranscription d'un entretien avec Marie-Odile Monchicourt, qui était à L'Oreille en coin à partir de 1977. J'en retire comme ça, à brûle-pourpoint, trois passages.

Le premier sur le renouveau de la radio par L'Oreille :
"Parce qu’il ne faut pas oublier qu’à cette époque, (...) Garretto et Codou ont été à la charnière d’un renouveau total de la radio. A ce moment-là, c’était encore le style speaker-speakerine. Ils ont cassé ce style-là. En plus, ils ont joué la carte féminine. C’était en plein mouvement féministe. Et nous on ne jouait pas du tout cette carte féministe, on jouait la carte féminine. Donc c’était… C’était très novateur de la part de Garretto et Codou. Donc ils aimaient les voix. Ils ont beaucoup joué les voix."

Le second sur les "identités" des différents modules de l'émission : samedi après-midi, dimanche matin, dimanche après-midi.
"J’ai fait plusieurs de choses, mais j’ai jamais fait le dimanche matin, par exemple. Pierre Saka, tout ça, c’était le dimanche matin. C’était toute une équipe de chansonniers. François Jouffa et Simon Monceau, avec Jeune jolie mais seule, eux, occupaient le samedi après-midi. Ils ont tenu l’animation du samedi après-midi pendant très longtemps. Après, j’ai moi-même tenu l’animation du samedi après-midi pour d’autres choses. Mais ma partie identitaire réelle, c’était le dimanche après-midi, où là ils avaient fondé une équipe, où on était toute une bande de femmes. Il y avait Agnès Gribes, Paula Jacques, Kriss, Katia David et moi. Puis il y a eu Leila Djitli qui est arrivée ensuite. Mais on était surtout des femmes. Certains hommes étaient avec nous : Emmanuel Den et puis Mermet. Daniel Mermet qui avait un talent fou. Qui est rentré à peu près en même temps que moi à L’Oreille en coin. Qui avait cette voix magnifique, et qui était extrêmement créatif. On était toute cette bande… un petit peu marginaux… on était dans des filières de saltimbanques, d’artistes quoi. (...)"

Et en troisième lieu, une description du travail en studio :
"Physiquement, Jean Garretto était derrière la vitre. On était prêt à raconter notre histoire au micro. Et on avait que les meilleurs techniciens de Radio France. Il y avait Yann Paranthoën, qui était aussi fébrile que Garretto, hein… Donc il y avait ces deux grands artistes du son qui travaillaient ensemble. Il y avait Jean qui disait à Yann : « Vas-y », pour qu'il ouvre le micro. Et Yann qui répondait : « Non, pas maintenant, pas maintenant ! » Puis alors, ça y est c’était le bon moment, et puis on voyait Garretto [Marie-Odile Monchicourt, debout, mime la scène, montrant Jean Garretto faisant un geste ample du bras et de la main pour amener l’ouverture du micro, les yeux fermés]… Ah ça y est, on pouvait prendre la parole ! (rires) On lisait notre truc, on posait la voix comme il aimait. Tout ça dans la musique, au bon moment."

Etonnant parcours, celui de Marie-Odile Monchicourt. D'abord comédienne de théâtre, elle est amenée à la radio par Kriss, amie d'enfance connue au lycée français de Bruxelles. Membre de L'Oreille en coin en 1977, elle part aux Etats-Unis en 1979 et en 1981, où elle fait des reportages pour France Culture (sur l'accélérateur de particules de l'université de Stanford, sur un psychanalyste jungien...). Plus tard, quand Jean Garretto devient directeur des programmes de France Inter, elle anime les après-midis de la chaîne. Puis une hebdo, qui devient ensuite quotidienne : "Poussières d'étoiles". Aujourd'hui elle est chroniqueuse sur France Info et travaille sur France Inter avec Kriss, dans "Un dimanche par hasard".



3 Comments:

Anonymous Anonyme said...

merci thomas pour ce feuilleton, on suit, on suit. mais une question me turlupine. pourquoi une émission comme ça, carrefour de rencontre, en dehors du rond point des idées, n'existe plus? et puis une autre. pourquoi, à cette époque, il y en avait qui prenaient 'des risques'? je ne peux pas faire le coup de la nostalgie vu mon age. serais plutôt un brin ennuyé de ne pas être né à la bonne époque! mais tout peut changer, bien sur!

l'oreille en coin avait toujours était un mystère avant de lire ce blog. un mystère qui me faisait de l'oeil. maintenant, je comprends mieux pourquoi!

04:11  
Anonymous Anonyme said...

Merci à toi !
C'est le genre de message qui motive pour continuer.

Je pense qu'il y en a qui prennent des risques, encore aujourd'hui. Peut-être pas exactement au même endroit, mais ailleurs... Dans les recoins, dans les marges, et peut-être pas avec les mêmes moyens. A la télé, il y a Die Nacht, l'émission de création vidéo d'ARTE (une fois par mois, la nuit, d'accord), il y a http://www.arteradio.com, des trucs sur Radio Nova...

Là, effectivement, c'est aussi l'histoire d'un groupe, l'histoire de gens qui apprenaient, qui découvraient, qui inventaient, au même endroit, sous l'autorité bienveillante des deux mêmes personnes. Une parenthèse.

Merci encore

bien cordialement
tb

18:45  
Anonymous Anonyme said...

je ne voudrais pas sembler rabat-joie, mais l'oreille en coin avait des moyens qu'on ne connait absolument plus aujourd'hui sur France Inter. Aujourd'hui pour une émission d'une heure quarante cinq on me donne royalement 2 heures de studio de préparation, alors pour les mixages fins, le travail de construction, d'emballage etc .. euh bon ! On a à peine le temps de corriger quelques imperfections techniques.
Pour ce qui est de l'innovation, un chroniqueur, au temps de l'Oreille pouvait gagner, petitement, mais suffisamment sa vie en faisant sa chronique hebdomadaire, il pouvait donc s'y consacrer entièrement. Il faisait ses recherches sonores, il réalisait son sujet comme il l'entendait. Nous avions entre 4 et 8 heures de studio pour des séquences assez courtes. La création sonore prend du temps... et si l'on doit courir en permanence d'autres cachetons, on jette moins facilement un sujet "moyen". D'un coté, il est interdit de mixer et monter chez soi, de l'autre on ne nous donne plus les studios qui pêrmettraient de le faire. Alors on multiplie les talk show, et même si certain, dont je suis, essaient de sauver quelques bribes de "son", c'est vraiment de plus en plus difficile. Aujourd'hui je dirige une équipe, et il m'arrive parfois de laisser passer des sujets qui me semblent insuffisants parce que je me sens coupable d'avoir un budget aussi maigre.
Pourquoi si peu de budget? Parce que peu de gens considèrent la radio comme un mode d'expression artistique. Comme si les mots seuls suffisaient. Mais parfois encore émergent des fous de radio qui traversent toutes ces barrières. Je pense a Caroline Cartier, à Zoé Varier... enfin, ça existe quand même la radio qui ose !

23:51  

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